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Pour nous, tristes vivants sur cette terre immonde,
Il faut prier la Vierge ; oui, priez-la pour nous ;
J’userai votre tombe ici de mes genoux.
Homme, si vous souffrez, patientez encore,
Tout ceci peut finir au lever de l’aurore…
Çà, mes filles, venez ! Vous aussi, mon neveu !
À ce saint qui s’en va venez tous dire adieu !
Mais éveillez Nannic : que son père l’embrasse,
Ce petit innocent !… Ah ! de grâce ! de grâce !
Mes filles, mon neveu, ne pleurez pas si fort !
Votre cœur se fendra. Cet homme sait son sort…
L’enfant pâlit. Nannic, embrassez votre père,
Cher petit !… Non, la peur le rejette en arrière. »
 
« — Adieu, femme Guenn-Du ! mes filles, mon neveu,
Et vous, mes serviteurs, je vous dis tous adieu !
Adieu, biens de la terre ! Ah ! quelle dure peine !
Mon pressoir est tout plein, ma grange est toute pleine.
Et je meurs ! Mes amis, venez à mon secours.
Et frappez cette Mort qui me vole mes jours.
Hélas ! vous vous taisez !… Jésus, sois donc mon aide !
Je me tourne à présent où je sais le remède ;
Je cède à mon Sauveur… Encor, encor ceci.
Le clerc du vieux curé, Daûlaz est-il ici ?
Amenez-le, amenez ma chère fille Hélène.
Qu’ils se hâtent tous deux ! C’est bien (je perds haleine,
Mon dernier coup s’apprête). Après moi, mon garçon,
Il ne restera plus d’homme dans la maison :
Lilèz s’en va soldat ; toi, si l’habit de prêtre
Te semble triste, obtiens quelque argent de ton maître
Et prends Hélène. On dit qu’Anna te plairait mieux,
Mais cette fille a pris son époux dans les cieux.