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Venant de la forêt, contaient un grand désastre,
Tout un troupeau mange par les loups ! Un dévot,
Qui conduisait sa vache à monsieur saint Herbot,
À ce propos de loups baissa les deux oreilles,
Comme s’il redoutait aventures pareilles.
Et se mit à rêver. — Mais quelqu’un dont l’esprit
Paraît sans rien entendre écouter ce qu’on dit.
C’est Anne de Coat-Lorh : vers le lit de sa mère,
Vers tout son monde, hélas ! et sa sœur et son père,
Sans cesse elle revient ; puis un charme secret
De son village au bourg doucement l’attirait
Vers celui que son cœur trop faible lui rappelle,
Et qui, dans ce moment aussi, s’occupait d’elle.
 
Oui, l’autre jour, Lilèz, l’honnête et franc garçon,
Sur les bords de l’El-Orn, Lilèz avait raison !
Oui, tandis qu’en voyage il mène sa cousine,
Et qu’il s’endort ce soir au feu de la cuisine,
Hélas ! je vois dans Scaer un jeune homme du bourg.
Un clerc nommé Loïc, dont le cœur est bien lourd.
La cloche a beau sonner pour l’heure du rosaire,
Sonner, sonner encor : le front sur sa grammaire,
Dans sa petite chambre, en haut de l’escalier,
Il voyage en esprit, le fervent écolier !
Enfin, dans son cornet il choisit une plume
Neuve et toute taillée ; à la fin d’un volume
11 arrache un papier plus blanc que parchemin,
Et dessus il écrit de son habile main :

« Cette lettre, Annaïc, cachetée et bien close,
Je la donne à quelqu’un qui jamais ne repose.
À travers les chemins elle va vous chercher :