Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et le divin Enfant de bénir le gruau
Qu’elle-même donnait à son fils au berceau ;
Pour lui, du gruau blanc la bouche toute pleine,
Gaîment il remuait dans son maillot de laine.
 
Oui, plus d’une nourrice a vu dans sa maison,
Tandis qu’elle allaitait son jeune nourrisson,
Plus d’une mère a vu près de la cheminée
La Vierge toute blanche et de fleurs couronnée !
Comment vers les enfants ne viendrait-elle pas
Celle dont l’Enfant-Dieu but le lait ici-bas ?
Sous son voile de lin doucement recueillie,
Croyez-le, bien souvent pour bénir la bouillie,
Elle est là près du feu ; l’enfant, tout en émoi,
Sourit, et les parents ne savent pas pourquoi.
 
Pourtant l’Angélus sonne. On entend sur la place
Les appels des bergers et le bétail qui passe ;
Leurs outils sous le bras, les ouvriers du lieu
Viennent boire à l’auberge et s’égayer au feu.
Partout avec le jour recommence l’ouvrage ;
Ils viennent en buvant prendre force et courage.
Puis les trois voyageurs, armés de leur bâton,
Entrent. L’hôtesse alors, sur un vieil air breton
Chantant une complainte à son petit farouche,
Des restes du gratin lui remplissait la bouche.
Sans rien dire elle offrit au plus grave des trois
Le poêlon, qu’il bénit par un signe de croix.
Hélas ! en soupirant, dans son esprit peut-être
À ses jours isolés il songeait, pauvre prêtre !
La jeune fille aussi regardait en rêvant