Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
Il y verra Kona, ma fille, mon amour :
Son front jeune est plus blanc que le sable des plages,
Dans sa bouche on dirait deux rangs de coquillages ;
La sirène aux yeux bleus dont parlent les marins
Est à Carnac, chantant ses airs doux et sereins.

— Bon ! dit le Trégorrois, et la jeune merveille
Que sa tante l’abbesse avec amour surveille !
Sous son voile de lin quand elle chante au chœur,
On dit : « Un ange est là, sa voix calme mon cœur ; »
Mais lorsqu’au grand parloir Mana lève son voile,
Les yeux tout éblouis, on dit : » C’est une étoile ! »

— Vous êtes amoureux de la fleur de beauté.
Reprit le bon Lilèz ; mais son fruit velouté
Craint l’Océan, il craint l’air d’un froid monastère :
Le doux fruit de beauté ne vient qu’en pleine terre. »
 
Anna, qui se taisait, rougit à ce seul mot.
Son cousin, la voyant rouge comme un pavot,
Poursuivit : « Dans nos bois je sais deux sœurs jumelles,
Deux fleurs de ce printemps et toutes deux fort belles :
Bretons, n’attirez plus chez vous notre étranger,
Et vers mon gai courtil laissez-le voyager. »

La dispute rouvrait déjà sa triple bouche,
Mais le sage Gallois : « Toute grâce me touche ;
Je verrai la sirène, et l’étoile, et les fleurs.
Ce qu’ici j’aurai vu, je l’irai dire ailleurs.
Vers vous tous, mes amis, un grand désir me porte.
Quand viendra l’étranger, ouvrez-lui votre porte.