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Tout le ciel retentit d’épouvantables bonds ;
L’immense cormoran vole et décrit ses ronds
Pendant l’heure sinistre où l’hymen se consomme :
C’est l’hymen de la Mer, mais c’est la mort de l’homme !
 
Filles de Kéd la blanche, est-il vrai qu’autrefois.
Moins sourde, la Nature entendait votre voix ?
À vos commandements, magiques souveraines.
Dans leurs bassins troublés bouillonnaient les fontaines,
De la lune tombait le mystique cresson,
La pierre vacillait, le grès rendait un son ;
Secouant à deux mains vos robes dénouées,
Vous en faisiez sortir les vents et les nuées,
Ou votre amour livrait aux marins de l’Arvor
Les ouragans captifs aux nœuds d’un lacet d’or…
Ah ! nous-même avons vu les mères de nos mères
Le long de l’Océan célébrer leurs mystères !
Quand des fils bien-aimés, des pères, des époux.
Matelots attardés, manquaient au rendez-vous,
La nuit, elles allaient balayer les chapelles,
De leur poussière sainte emportaient les parcelles ;
Puis, du haut de la côte, elles jetaient aux vents
La poudre qui devait ramener leurs enfants.
 
Vous donc, mes pèlerins, une force inconnue
Vous sauva-t-elle aussi du flot et de la nue ?
Brisa-t-elle en leurs mains le fer des égorgeurs ?
Ou bien si c’en est fait, ô mes chers voyageurs ?
 
Sur les débris, épars au fond de cette baie
Qu’attriste incessamment l’aigre cri de l’orfraie,
Des gens agenouillés ont longtemps prié Dieu ;