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Digne du vieux Merlin et du grand prince Hoël ;
Je vins et, détachant la mousse jaune et morte,
J’écrivis ces deux vers au-dessus de la porte :
« La bonne fée en une nuit
« De son aiguille m’a construit. »

Ô féerique manoir ! À la source prochaine
Une fille chantait, le soir, au pied d’un chêne,
Et d’un gosier si clair qu’il semblait d’un oiseau
Soupirant ses amours sur le bord du ruisseau,
De retour à la source, au lever de l’aurore,
J’ouïs une voix douce et qui chantait encore ;
Je dis : « La belle enfant est là près du buisson
Et, ses fuseaux en main, répète sa chanson… »
Eh ! non, ce n’était plus la fille jeune et blanche,
Mais un joyeux bouvreuil sautillant sur la branche.

« Ah ! me dit un berger, aux sentiers du manoir
Ne rôdez pas ainsi le matin et le soir !
Dans un cercle magique ici la châtelaine
File comme une fée et chante à perdre haleine.
Hélas ! ces froids cailloux autour d’elle rangés
Sont, dit-on, des amants que son art a changés.
Ne vous arrêtez pas près du Cercle-de-Pierres[1],
Ou l’amour par degrés troublera vos paupières ;
La chanteuse prendra votre âme et, sans pitié,
Près d’elle vous tiendra morne et pétrifié. »

  1. Sanctuaire druidique.