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III

Vannes, dont j’ai chanté les braves écoliers,
Dis-leur d’apprendre encor ce chant sous les halliers,
Dans les enfoncements des palus, sur les landes
Où leurs pères guerriers apparaissaient en bandes,
Et dans l’isthme où le sang ne séchera jamais,
La presqu’île funèbre, opprobre des Anglais !
Le roi Charle est tombé. Le vieux sol d’Armorique,
Rajeuni par l’effort d’une lutte héroïque,
Frémissait : des courriers arrivent dans Paris,
Comme si les chouans rassemblaient leurs débris.
Bientôt les cinq préfets mandent leurs secrétaires,
Et fermes et châteaux, manoirs et presbytères
Sont fouillés. Rome ainsi redoutait autrefois
Ce qu’elle avait nommé « Tumulte des Gaulois ».

La servante disait : « Clerc, j’ai lu dans votre âme :
Seule la pauvreté vous défend une femme ;
Mais le jour où ma dot brillera sous vos yeux,
Vous tiendrez à la terre et laisserez les cieux. »
Secrètement, le soir, elle écrivait à Vannes.
 
C’était une étrangère, ont dit les paysannes :
« Car jamais Breton
« Ne fit trahison ! »
Notre proverbe ancien ne mentait pas encore.
D’où, pour faire le mal, venait-elle ? On l’ignore.