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Leurs os semés partout feraient une montagne ;
Nous, puisqu’il faut mourir, nous mourrons en Bretagne.
 
Un soir (nulle clarté sur terre, nulle au ciel),
Dans une humble maison fut construit un autel.
Et, par de longs détours marchant vers cette église,
Tous vinrent se liguer pour leur grande entreprise.
Kellec au rendez-vous arriva le premier,
Vert comme un jeune pin et franc comme l’acier ;
Puis les deux Nicolas, frères mélancoliques,
Qui semblaient entrevoir leurs tombeaux héroïques ;
Flohic, aujourd’hui prêtre ; Er-’Hor, le joyeux gars ;
Et l’éloquent Rió, l’enfant de l’île d’Arz.
Oh ! ce fut un moment religieux, mais triste,
Quand, revêtu de noir, grave séminariste,
Le Ben-vel s’écria : « Mes amis, à genoux !
Et prions pour les morts qui priront Dieu pour nous. »

La prière fut dite, et, l’âme plus tranquille,
Tous posèrent la main sur le saint Évangile ;
Puis chacun prononça l’engagement fatal.
Lorsque après Colomban[1] vint le tour de Can-dal[2],
Les cœurs furent saisis d’une tristesse amère :
« Oh ! Can-dal est trop jeune ! oh ! rendons-lui sa mère ! »
Seul, Tiec le chanteur retint le noble enfant :
« Si chacun d’entre vous, comme moi, le défend,
Sans crainte il peut rester ; s’il meurt, chacun le venge ;
De grâce, mes amis, ne laissons pas notre ange ! »

  1. Tué à Auray.
  2. Mort de fatigue.