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Ses propos avisés ne le blessaient en rien ;
Le bonhomme Chrysale aussi s’en trouvait bien ;
Mais leurs bourgeois gourmés, leurs banquiers, hommes graves
N’ont plus que des muets et quasi des esclaves :
« Silence, ou je vous chasse ! » Et tous d’égalité
Ensuite ils parleront et de fraternité ;
Oui, pour mieux abaisser les têtes les plus hautes,
Pour agiter l’État, qui trois fois par leurs fautes
Ou par leurs trahisons croule et les laisse enfin
Tout pâles devant ceux qu’ils menaient par la faim !
Le peuple aurait aussi mes censures loyales.
Enfant du vieux Paris et des piliers des Halles,
J’ai vu le fond secret de maint noir atelier,
Et plus d’un cœur mauvais, sous plus d’un tablier.
Je fais leur large part aux gênes de la vie,
Sans jamais excuser la bassesse et l’envie.
Mais il est en tout temps des écrivains menteurs.
Comme jadis les rois, le peuple a ses flatteurs.
Ceux qui plaignent le pauvre au riche font la guerre,
Car, les devoirs du pauvre, ils n’en parlent plus guère :
Je voudrais l’éclairer par un double savoir,
En face de son droit lui montrer son devoir.
Aujourd’hui tout est piège et mensonges infâmes ;
Pour réussir, on flatte et le peuple et les femmes.
Êtres purs et charmants avec qui je me plus,
Isabelle, Henriette, Agnès, vous n’êtes plus !
On a sous d’autres noms Philaminte et Bélise,
Puis des femmes jockeys ou quêteuses d’église ;
Marinette au marché ne va plus qu’en chapeau,
Et s’enquiert de la rente et rêve d’un château.
Oui, voilà plus d’un trait, belle Muse, ô ma mie !
Que j’aimerais lancer en mainte comédie,