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Un de ses plus fervents (qui peut l’être à demi ?)
Assurait que, la nuit, revenant d’une fête,
Où le punch alluma sans doute un peu la tête,
Il vit parler ce bronze ; abaissant le sourcil,
Molière le comique, hêlas ! parlait ainsi :

« À mes pieds, jour et nuit, belle Muse accoudée,
Muse, console-moi, tant j’ai l’âme obsédée
Rien qu’à voir, comparant les jours présents aux miens,
Sous les habits nouveaux tous les vices anciens.
L’homme, le même au fond, seulement se transforme.
Cependant de quel rire inépuisable, énorme.
Tous deux nous poursuivions les travers de nos temps,
Grands seigneurs et bourgeois, et fourbes et pédants !
Car l’austère raison a pour sœur la satire,
Le méchant mis à nu s’enfuit devant le rire :
Je le croyais du moins… je le croirai toujours…
Naïf espoir de l’art où s’épuisent nos jours !
Oui, j’ai là sous la main pour trente comédies
De mille traits mordants mes tablettes fournies.
Vicomtes et marquis, jadis tout parfumés.
Ducs, en cochers anglais aujourd’hui transformés,
Tudieu ! je vous suivrais jusqu’en vos écuries !
Les nôtres, vains, légers, tout pleins de vanteries,
Sous leurs panaches blancs et sous leurs rubans verts,
Faisaient gloire du moins de se connaître en vers ;
Et parmi cent beautés aux manières exquises,
Nous avions Sévigné, la perle des marquises,
Ninon, esprit hardi, La Fayette, esprit droit,
Et même Maintenon, qui régna près du roi.
Vraiment monsieur Jourdain, si fort que j’en plaisante,
Savait à cœur ouvert rire avec sa servante,