Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ami de l’Idéal, mets ta main dans ma main,
Et je te conduirai par le même chemin.
Dans son berceau rustique heureux est le poète
Que la Nature aima d’une amitié secrète,
Qu’elle a, mère jalouse, élevé dans ses bras :
Celui qui n’a point bu son lait ne vivra pas.
Gravissons la montagne. À l’ombre des vieux chênes,
Des Celtes, nos aïeux, les traces sont prochaines.
Plus d’un barde a chanté, là, devant ce men-hîr :
Évoquons en passant la voix du souvenir.
De l’heureuse Nature harmonieux royaume !
Oh ! comme tout fleurit, tout brille, tout embaume !
De verdure entouré, de verdure couvert,
On avance sans bruit sur un beau tapis vert ;
L’extase par moments vous arrête, et l’on cueille
Autour d’un tronc énorme le léger chèvrefeuille ;
On s’étend sur la mousse au pied d’un frais bouleau.
Et tout près, sous des fleurs, on entend couler l’eau.
Alors, à deux genoux, et les mains sur la terre,
Le voyageur, pareil au faon, se désaltère,
Et merles à l’entour, grives, chardonnerets,
Emplissent de leurs voix le dôme des forêts,
Voletant, sautillant, du bec lissant leurs ailes,
Et de leurs yeux si clairs jetant des étincelles.
Ainsi dans ces concerts, ces parfums, ces couleurs,
Celui qui les a faits, oiseaux, arbres et fleurs,
Se révèle. Partout Dieu présent. Dieu sensible !
Dans la création l’Invisible est visible :
Le symbole s’entr’ouvre, et sous le voile d’or
L’Être pur apparaît, plus radieux encor.
Le poète inspiré, tout en foulant les herbes.
Monte, l’esprit plongé dans ces mythes superbes ;