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IV
LA COULEUVRE


Le lait pur de la vache avait le goût des fleurs,
Son beurre doux et frais semblait une ambroisie,
Tant chaque fleur des prés et chaque herbe choisie
Aux mamelles versaient leurs parfums les meilleurs ;
Un soir le lait coula sanglant : « Oh ! la couleuvre
Aura sucé les pis ! Je reconnais son œuvre, »
Dit, en jetant le vase, un pâtre épouvanté.
Hélas ! ainsi j’ai vu, par audace ou par ruse,
La vipère se pendre au sein blanc de la Muse :
Son lait ne coula plus que trouble, ensanglanté.


V
LES DEUX CIERGES


À son lit d’agonie et le père et la mère
Avaient mis un double flambeau,
Comme pour lui montrer, dévotion amère !
Les lueurs qui devaient la conduire au tombeau ;
Mais cet apprêt funèbre épouvanta la vierge ;
Sa main faible et pâlie, indiquant chaque cierge,
Fit signe d’éloigner cette affreuse clarté. —
Auréole douce et fidèle,
La vierge avait sa pureté
Qui depuis le berceau rayonnait autour d’elle.