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La Traversée
À Monsieur Frédéric Mercey


Nec sinit esse feros.
Ovide.


Adieu, ma ville ! adieu, grève de Ker-Roman !
La grande voile s’enfle et frappe le hauban,
Je vois monter au loin les côtes de Belle-Île,
Pour la dernière fois, adieu, la blanche ville !
Et vous, hameaux sacrés où, comme un fils pieux,
J’errais, interrogeant l’antique Esprit des lieux,
L’enfance dans les prés, sur son banc la vieillesse,
Tout ce qu’enferme un cœur aimant, je vous le laisse. »
Mais déjà le navire entrait en pleine mer,
Tout s’imprégnait de sel et devenait amer,
Les vagues et les vents redoublaient leur secousse,
Les matelots juraient et l’on battait le mousse.
« Ah ! dis-je, et de pitié mon cœur se soulevant.
C’est une lâcheté de frapper un enfant ! »
Le matelot rougit, mais une jeune fille,
Aventurière, hélas ! sans amis, sans famille,