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La Sirène
À l’amiral Laguerre


 
Robert, ancien marin retiré dans ses terres,
Vieillit entre sa bru, son fils et leurs enfants ;
Mais parfois un ennui ride ses traits austères,
Et seul, les bras croisés, il erre à travers champs.
 
Quel grain de mer lointain, quel souffle du rivage,
Viennent troubler son front, mettre son âme en feu ?
Or, un matin, armé du bâton de voyage,
À sa jeune famille il dit un brusque adieu.

Les larges pantalons, la ceinture de laine,
La veste molle et chaude, il a tout revêtu ;
La bouteille d’osier pend, jusqu’au bouchon pleine,
Sur sa chemise bleue au collet rabattu.
 
Il baise des enfants la chevelure blonde
Et part, mais si léger, son regard est si doux !
On dirait un novice allant au Nouveau-Monde,
Un amoureux courant au premier rendez-vous.