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Pour les riantes fleurs d’innocence et d’amour
Qu’en passant sous tes bois j’ai pu cueillir un jour.

Deux amants sont venus prier à la fontaine
Où, comme par hasard, leur rencontre est certaine :
C’est vous, jeune Tan-gui, c’est vous, ô Renéa !
Plus d’une lavandière y travaille déjà,
Car au bruit des battoirs, tandis que sur les dalles
Le bleuâtre savon ruisselle, les scandales
Du bourg et des hameaux, là, du matin au soir,
Abondent des gosiers, comme l’eau du lavoir…
Mais à deux jeunes gens tout épris l’un de l’autre
Qu’importe mon histoire et qu’importe la vôtre ?
Fiez-vous à ceux-là qui vivent par leurs cœurs :
Seuls les indifférents, les oisifs sont moqueurs.
 
Avec ses blonds cheveux et sa jaquette blanche,
Sur le bord du lavoir courait le petit Fanche ;
Et sa mère inquiète, et le suivant des yeux,
Ne cessait d’appeler l’enfant vif et joyeux,
Qui toujours échappait : « Ma chère créature.
Approchez, que ma main lave votre figure.
Revenez, mon petit ! » Mais si Fanche aimait l’eau,
C’était pour y tremper les feuilles d’un bouleau,
Y jeter des cailloux, et, sous le vent rapide,
Admirer le cristal mobile qui se ride. —
Ruse charmante ! Enfin cette mère aux abois,
Voyant que le joueur restait sourd à sa voix.
Se mit à caresser un jeune ange de pierre
Dont la bouche versait les flots de la rivière :
« Celui-ci, c’est mon fils, mon enfant, mon amour !
Tranquille, à mes côtés il reste tout le jour.