Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.


L’Incendie
1840


Les cloches, en Tréguier, ont sonné dans la nuit.
Les hameaux sont debout, on regarde, et le bruit
Croissant, croissant toujours, à l’est, dans le ciel rouge,
On aperçoit la flamme ; alors aucun ne bouge.
Mais le prêtre est venu : « Que tardez-vous, enfants ?
Voyez-vous l’incendie ? Entendez-vous les vents ?
Apportez tous des seaux, des faucilles, des pioches !
Hélas ! serez-vous sourds aux prières des cloches ?
Des frères sont là-bas qui réclament nos mains,
Et vous restez ici ! Cœurs froids, cœurs inhumains ! »
Soudain tous de courir, les cœurs, les yeux avides,
Tous de courir au feu, mais leurs mains étaient vides.

Ils trouvent le seigneur muet, désespéré,
Tordant sa barbe blanche ou, chaque poing serré,
Qui voit en une nuit ses moissons disparues,
Et granges et hangars, et bestiaux, et charrues,
Et les fermes poussant leurs feux vers le manoir