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Tous deux vous sont connus : on ne voit pas souvent
Et mère plus aimable et plus aimable enfant.
Elle entre douce et fière, elle parle, on s’étonne :
Quelle Parisienne égalait la Bretonne ?
Seul, un plus ferme accent annonçait le pays,
Mais c’était une grâce encor ; son goût exquis
Y mettait la mesure, une fraîcheur vitale.
Et lorsqu’elle chantait dans sa langue natale,
Sous nos cheveux poudrés, nos habits de velours,
Plus forts, nous devenions Celtes des anciens jours.
Tel passa mon été près de l’enchanteresse.
Un père pour sa fille aurait moins de tendresse.
Le dernier mois, assis tous deux dans son boudoir,
Où la persienne ouverte envo}’ait l’air du soir,
Le chant du rossignol et le parfum des roses,
Vers minuit nous causions en paix de mille choses,
Et surtout de son fils loin d’elle grandissant,
Quand un cri dans sa gorge éclate, aigu, perçant ;
Une pâleur de morte a recouvert sa face ;
Tous ses membres tremblaient : « Regardez dans la glace,
« Un cierge est à mes pieds, entendez-vous le glas ?
« Couverte d’un drap blanc ne me voyez-vous pas ?
« C’en est fait ! dans un mois la terre me dévore…
« Amenez-moi mon fils, que je l’embrasse encore ! »

« Horrible, horrible nuit ! Dès la pointe du jour,
Son carrosse à grand bruit s’échappait de ma cour ;
Elle allait à Lo’-Christ, tout au bout du royaume.
Ses gens, lorsqu’elle entra, crurent voir un fantôme.
Aussitôt, rassemblant fermiers, hommes de loi,
Parents, elle met tout en ordre autour de soi ;
Puis, devant son cercueil ouvert, la pauvre femme,