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Et, lorsque les bras nus, le col tout en sueur,
Vers sa sœur bien-aimée abordait le rameur,
C’étaient pour elle, après maintes tendres paroles,
Des fleurs roses du lac aux humides corolles,
Des touffes de glaïeuls sur l’onde s’allongeant,
Et, comme un beau calice, un nénuphar d’argent ;
Puis, de tous ces présents déposés sur la berge,
Le jeune batelier paraît la jeune vierge ;
Et, leurs fronts couronnés d’algues et de roseaux,
On les eût pris tous deux pour les Esprits des eaux.
 
« Jetez cette couronne immonde, ô ma duchesse !
Offrande d’un vilain, digne de sa largesse !
Moi, pour vos blonds cheveux j’ai des couronnes d’or,
Des perles que Merlin cachait dans son trésor ;
J’ai pour vous un anneau de fine pierrerie
Où votre nom au mien avec art se marie :
Un mot de vous, Madame, et mes mains poseront
La bague à votre doigt, la perle à votre front ;
Et, s’il faut plus encor, dites comment vous plaire :
Il n’est labeur trop grand pour un si grand salaire.
— Sire (et les yeux troublés de l’enfant, ses grands yeux
Brillèrent de malice et d’espoir radieux),
J’obéis : donc, seigneur, que votre complaisance
Joigne à l’Étang-au-Duc votre Étang-de-Plaisance,
Le jour où les deux lacs s’uniront, je prendrai.
Unie à vous, l’anneau nuptial et sacré.
— Par les saints ! c’est trop peu demander, ô princesse !
Pourtant, à moi mon œuvre, à vous votre promesse ! »

Et, d’un air de vainqueur, regagnant son manoir,
Le noir baron pressait aux flancs son coursier noir.