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Ô malheureux perclus, vieillard sans espérance,
C’était là ton recours dans ta longue souffrance !
Comme le saint martyr, toi, cloué sur tes draps,
Tu voulais voir le Christ qui te tendait les bras !
Par tes sourds râlements, par tes larmes sans doute.
Du sang miraculeux tu cherchais une goutte ;
Et tu disais : « Seigneur, penchez-vous par ici !
Jésus, ayez pitié de moi, je souffre aussi ! »

Assez, assez de cris, de tortures, de larmes !
Laissons venir le sort, à présent j’ai mes armes.
Sortons de cette chambre ! Assez, assez de pleurs !
L’âme mûrit bien vite à ces grandes douleurs.
 
Ainsi de ce collège où commença ma vie,
Pour la seconde fois je faisais ma sortie ;
Mais j’avais l’air plus grave et le pied moins léger.
Car je ne rentrais plus au monde en étranger.

La douleur ! voilà donc. Seigneur, le joug suprême
Où celui qui vous hait et celui qui vous aime
Passent également ; et vos plus chers élus
Sont ceux que votre main, dit-on, courbe le plus.
Pourtant, grâce. Seigneur ! Je saurais mal connaître,
Au bras qui sans pitié nous poursuit, un doux maître.
La douleur, ô mon Dieu, quand elle vient sur moi,
Me remplit de surprise aussi bien que d’effroi ;
Toujours, quand reparaît son spectre, je m’étonne ;
Si ma tête s’incline au bruit du ciel qui tonne,
La clarté d’un beau jour m’attire vers les cieux,
Et je me sens meilleur lorsque je suis heureux.