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Où les jeux animaient jadis notre demeure,
Et la cour restait vide, et les bruyantes voix,
Les cris n’éclataient plus dans l’air comme autrefois.
Mais, en regardant bien, devant les vitres sombres
Je voyais deux à deux passer de grandes ombres,
Des lignes se croiser et des fantômes blancs
Dans les angles des murs s’enfoncer à pas lents ;
Et lorsque j’écoutais, au bas de la fenêtre,
Des bruits qu’on eût en vain tâché de reconnaître,
Des soupirs étouffés, des plaintes et des toux
De moment en moment s’élevaient jusqu’à nous.
Troublé, j’ouvris la porte : une odeur douce et fade,
Telle que sur son lit en exhale un malade,
Me saisit tout à coup ; près de me trouver mal,
Je vis que le collège était un hôpital !

Hideux et tout perclus, courbés sur leurs béquilles,
Autour des bâtiments et le long des charmilles,
Plus de trente vieillards, usés d’âme et de corps,
Silencieusement erraient comme des morts ;
Étendus au soleil, d’autres tremblaient les fièvres,
Ou cherchant un peu d’air ouvraient leurs pâles lèvres ;
Et d’autres, n’ayant plus de force pour souffrir,
Semblaient à cette place être venus mourir,
Si bien qu’en s’appelant les deux enfants, mes guides,
Que n’épouvantaient plus ces figures livides,
Seuls firent plus de bruit dans cette triste cour
Que les trente vieillards qui rôdaient alentour.
Quelques-uns pour nous voir soulevèrent la tête
Et, par beaucoup d’efforts redressant leur squelette,
Arrêtèrent sur nous un regard sans clarté,
Mélange de souffrance et de stupidité :