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HISTOIRES POÉTIQUES

Percé de rochers blancs, montait jusques au Bec[1] ;
Tout était dépouillé, désolé, sans culture ;
La terreur nie gagna, je pressai ma monture,
Et penché sur son cou, la heurtant du talon.
J’arrivai hors d’haleine au Rocher-de-Gralon,
Et je vis d’un coup d’œil la mer rouge de flammes,
L’île de Sein, l’Enfer, et puis la Baie-des-Âmes :
Là j’écoutai longtemps le lourd balancement
Des vagues qui grondaient encore en se calmant…
Enfin l’ombre du soir descendit sur les pierres,
Et seul je m’en revins, murmurant des prières.
 

III

Mais toi, dans le passé, fier de ton mouvement,
Sur tes places, vieux bourg, quel abandonnement !
Partout des seuils branlants, de croulantes murailles.
Des pignons lézardés où pendent des broussailles,
Des enfants affamés errant sur le chemin,
Et de pauvres perclus qui vous tendent la main.
Et l’église, de loin si charmante ! ô scandales !
Il semble que les morts ont soulevé leurs dalles.
Le pied va se heurtant aux pierres des tombeaux.
Les bannières des saints ne sont plus que lambeaux.
L’autel pauvre est sans nappe, ou, veuf, n’a plus de sainte ;
On voit aux murs verdis le salpêtre qui suinte.
Seul, bienheureux Davi, fils de sainte Nona,
Le bon peuple jamais, toi, ne t’abandonna,

  1. Le Bec du Raz ou du Détroit, devant l’île druidique de Sein.