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Il vague tout le jour, pauvre esprit tourmente,
Et, dans un sac de cuir qui pend à son côté.
Il entasse sans fin les cailloux et les pierres
Arrondis et luisants sous la fleur des bruyères.
Puis les 3’eux tout hagards, craignant quelque danger,
Mystérieusement il va le décharger
Dans le creux d’un vieux chêne… Alors son regard brille,
Et tout bas il se dit : « C’est la dot de ma fille ! »
Heureux quand son travail insensé finira.
Et que sous l’herbe, au pied du chêne, il dormira.
Parfois, quand la vengeance en son cœur se ranime.
En face du bourreau vient s’asseoir la victime.

V

Mais le meunier railleur de suivre aussi son train,
Au grelot du mulet mêlant son gai refrain :

« Le notaire du bourg est un excellent homme ;
Du richard et de l’indigent
À deux mains il reçoit l’argent,
Et fiez-vous à lui pour bien garder la somme. »

Et les merles parleurs, et la pie à l’œil clair,
Sautaient de branche en branche, étudiant son air :
Meunier joyeux, n’ouvrant ses lèvres que pour rire ! —
Je commence en riant et bientôt je soupire.




Ah ! mes vers, sur les flots, dans les bois recueillis,
Mes vers, mon seul trésor, ne seront point trahis !