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Tel doit être aux enfers le spectre du remords !
Hideuse est sa maigreur, ses yeux caves sont morts :
On y voit la misère et la lente ruine,
Ses biens vendus, le père exclu de sa chaumine,
Et les petits enfants errants sur le chemin,
Tous forcés par un seul d’aller tendre la main !…
Pas un mot, un soupir, n’échappent de sa bouche.
Mais, les cheveux épars, menaçant et farouche,
Quand le spoliateur respire l’air du soir.
Le fantôme muet devant lui vient s’asseoir.

III

Est-ce assez, juste ciel, de fortunes contraires ?
Pour forcer les humains à se traiter en frères,
Fille de la sagesse et de la bonne foi,
Parais dans nos cantons, ô bienfaisante loi !
Soutenu par ta main, le pauvre se rassure.
Ô loi, viens raccourcir les griffes de l’usure !
Viens enchaîner la fraude, et romps les nœuds glissants
Où les faibles sont pris, d’où sortent les puissants !
Plus d’un saint magistrat, qui ne fut pas complice,
Bénira tes efforts, vierge réparatrice,
Et pourra saluer, au seuil de sa maison,
Noblement restauré, l’or de son écusson.

IV

Ccpendant le vieillard erre encor sur la lande.
Comme ses blancs cheveux sa barbe est blanche et grande ;