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« Le notaire du bourg est un excellent homme ;
Du richard et de l’indigent
À deux mains il reçoit l’argent,
Et fiez-vous à lui pour bien garder la somme.
Allons, Jean-Pierre, allons, Gros-Jean,
Mes gars, apportez votre argent ! »

Ces couplets du meunier un peu trop fort en gueule[1],
Cyniquement rimés au roulis de sa meule,
Je ne puis, cher lecteur, les citer jusqu’au bout ;
Notre siècle est très grave et mon héros surtout.

II

D’autres, de leurs clients emportant l’escarcelle,
Vivent en grands seigneurs à New-York, à Bruxelle,
Mais lui n’a pas quitté son paisible travail :
Un écusson doré reluit à son portail.
Là, sous de frais jasmins arrondis en charmille,
Patriarche entouré de sa jeune famille,
Le notaire s’assied, majestueux bourgeois.
Demi-manant, son père était marchand de bois.
Mais le fils (il s’en vante) eut l’esprit des affaires,
Ou des actes douteux et des prêts usuraires.
Dans sa grande maison il vit en grand seigneur.
Seul un vil mendiant vient troubler son bonheur.
Un vieillard, tout chargé d’une lourde besace,
Le soir, devant son banc se pose face à face.

  1. Molière