Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« C’est Dieu, cria Mona, c’est Dieu qui vous envoie !
(Et la vachère avait un front brillant de joie.)
Pitié, Robin, pitié pour ce cher animal !
Vous savez comment vient, comment s’en va le mal.
— Hum ! reprit le vieillard en secouant la tête,
Elle doit grandement pàtir, la pauvre béte !
Vite, chauffez de l’eau. J’ai là certaine fleur,
IDes herbes… Sans mentir, j’empêche un grand malheur. »
Le foyer allumé, les plantes salutaires
Dans le chaudron, bénit avec force mystères.
Bouillirent, et la vache à l’immense fanon
Dut boire la liqueur merveilleuse et sans nom.

Or, voyant respirer sa vache plus à l’aise,
Mona, qui par degrés elle-même s’apaise,
Disait (et ses yeux gris, son visage ridé,
Son sein d’où chaque mot s’échappait saccadé,
En elle tout riait) : « Regardez-moi, bonhomme !
Je me sens rajeunir. Oui-da, me voici comme
Au jour où je dansais avec vous au Pardon,
D’un rosaire de buis quand vous me faisiez don,
Lorsque vous me nommiez la fille sans pareille,
Toute mince de taille et de couleur vermeille ;
Et moi, tout en roulant les grains du chapelet,
À vous voir si galant, et vert, et grandelet,
(Faut-il, ô mon vieux Rob, qu’enfin je vous le dise ?)
Je vous aurais suivi de grand cœur à l’église. »