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Voilà dans quelle angoisse il gagna sa chaumière
Où sa mère filait, bien affaiblie, hélas !
Troublée, elle hésita, la pauvre filandière :
Mais son cœur s’éveillant, elle ouvrit ses deux bras.
 
Longtemps elle ferma sur lui la douce chaîne,
Puis, leurs pleurs répandus et leurs cœurs soulagés,
Elle ouvrit bruyamment un grand bahut de chêne
Où brillaient des habits avec amour rangés :

La braie aux larges plis, orgueil de la Cornouaille,
Le surtout d’un bleu clair brodé sur chaque pan,
La ceinture de cuir qui tient ferme la taille,
Le chapeau large orné d’une plume de paon.

« Vois-tu les ornements, mon fils, de ton bel âge ?
J’allais, soir et matin, visiter ce trésor,
Sur tes jeunes habits penchant mon vieux visage ;
Et sur eux je pleurais et je pleurais encor !
 
« Demain, réveille-toi dans toute ta noblesse !
Bien des yeux en passant se tourneront vers nous :
Mon fils, que tu seras superbe à la grand’messe !
— Que je serai joyeux, ma mère, près de vous ! »