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C’est un soir, dans les bains de notre duchesse Anne,
Que m’apparut ton cours limpide. Une liane
Y trempait sa fleur rose, et ton bruit argentin
Montait d’un sol brillant de paillettes d’étain.

Plus loin, un long canal te reçoit et t’embrasse :
Les saules sur tes bords épanchaient plus de grâce ;
Or les libres poissons ont fui, tous d’un seul trait ;
Il faut à leur séjour l’ombre de la forêt.
 
Libre, je fuis comme eux la charmante structure,
Barrière que saura renverser la Nature,
Quand, des monts déboisés reprenant son essor,
Elle crîra : « Tombez, digues ! je règne cncor. »

Je la retrouve enfin, ta course aventureuse,
Qui fait la terre grasse et la prairie heureuse :
Salut, roseaux touffus ! toiture des maisons,
Vous recouvrez aussi les timides poissons.

Ô verdure ! ô fraîcheur ! douceurs virgiliennes !
Ainsi vous embaumez, forêts brésiliennes !
Quand la harpe jetait ses notes de cristal,
Plus d’azur brillait-il aux torrents de Fingal ?

Puis de sveltes clochers, d’antiques monastères ;
Des ports mystérieux enfoncés dans les terres ;
Comme en Grèce, des noms qui sonnent : c’est Argol
Daoulâz aux frais ruisseaux, Logonna, Rumengol,