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VIII

INSOMNIES

Tout dort dans le village et dans le cimetière,
Les vivants dans leur lit, et les morts dans leur bière ;
Lui seul il veille encore, et, bien loin dans la nuit,
Le passant attardé voit sa lampe qui luit :
Si la lumière enfin décline faute d’huile,
Il ouvre sa fenêtre et, longtemps immobile,
Là, devant son logis, il contemple, envieux,
Ceux qui sous le gazon tiennent fermés leurs yeux,
Dont nul amer soupir ne desserre la bouche,
Heureux dormeurs, toujours tranquilles dans leur couche.

IX

L′AVEUGLE

à Alfred de Courcy

J’ai voulu dans ces lieux trouver un ami sûr,
C’est un aveugle, assis tristement contre un mur,
Et qui, là, tout le jour, solitaire, immobile,
Lorsque arrive un passant agite sa sébile :
On croirait que de loin il reconnaît mes pas,
Car, retournant la tête, il se parle tout bas ;
Et quand je dis, laissant mon denier dans sa tasse
« C’est ton nouvel ami, c’est ton ami qui passe ! »