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Corentin ! Coremin ! tout près de vous, de grâce,
À votre historien réservez une place :
Voyez le soldat Pôl et le sergent Arzur,
Quels pleurs à votre nom dans leurs grands yeux d’azur !
Oh ! oui, c’est au milieu de cette vaste France
Que l’accent de l’Avon, du Rhin, de la Durance,
À toute sa douceur, et ceux qui l’entendront.
En passant dans Paris, tout à coup pleureront.
Dans ce gai cabaret attablés d’aventure,
Comme nos cœurs battaient durant cette lecture !
 
« Mais, du vin ! rapportez du vin ! Je veux ici
Sur quelques vers nouveaux vous consulter aussi,
Pour qu’un joyeux chanteur, si mon refrain vous touche.
Les jours de grands marchés, l’entonne à pleine bouche. »

C’était un air connu. Sitôt qu’il l’entendit,
Arzur, le Cornouaillais, fit chorus : on eut dit
Que sa paroisse, assise au creux d’une vallée.
Passait magiquement devant lui déroulée,
Avec ses champs de mil, ses eaux vives, ses bois,
Kt que d’un heureux pâtre il écoutait la voix.
Pour le second soldat, l’aîné de ces deux braves,
Il était de Léon, où les hommes sont graves.
Pôl écoutait pensif. Mais lorsque la chanson
Chanta : « De la bombarde entendez-vous le son ? »
Nous vîmes frissonner ses robustes épaules,
Comme sous un vent frais les bras noueux des saules ;
Puis à ces vers : « Heureux à la lutte un vainqueur !
De la fille qu’il aime il gagne aussi le cœur, »
Pareil au bruit plaintif d’un taureau qui rumine,
Ce fut un long soupir du fond de sa poitrine ;