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La Taverne


À la mémoire d’Ives Gestin


Tels sont les cœurs : parfois, sous les landiers fleuris,
En Bretagne il est doux de songer à Paris ;
Et, là-bas, regrettant notre libre campagne,
À Paris nous aimions à causer de Bretagne.

« Silence ! nous disait, un soir, le bon Gestin,
C’est la vie en breton du grand saint Corentin.
Barde, écoutez ; et vous, soldats, laissez vos verres,
Et, tous les trois, ouvrez des oreilles sévères :
Sais-je comme aujourd’hui le langage a tourné,
Et s’ils me comprendraient aux lieux où je suis né ?
Ainsi, mes trois amis, faites un long silence,
Et pesez avec soin les mots dans la balance :
J’ai cru dans ce travail tomber à chaque pas,
Car le cœur est fidèle et l’esprit ne l’est pas. »

Le modeste écrivain ! Comme de sa légende
S’exhalait cependant un doux parfum de lande !
Les mots qu’il redoutait, au meilleur coin frappés,
Dans les eaux de l’Avon semblaient par lui trempés.