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Adieu la lande ! adieu la grêve !

Les prés où l’on broute au hasard !
Tu resteras sans paix ni trêve
Dans les tenailles d’un brancard.

Hélas ! sans paix et sans relâche
Bien d’autres malheureux, crois-moi,
Comme toi vivent à la tâche,
Au travail meurent comme toi…
 
Mais chut ! l’heure de l’agonie
Soulève et fait battre son flanc :
Jô-Wenn, ta souffrance est finie !
Dors, Jô-Wenn, le bon cheval blanc !

Pourtant une rumeur confuse
Éveille encor l’agonisant,
L’air lointain d’une cornemuse
De quelque noce d’artisan.
 
À cette voix, la pauvre bête
Tente un mouvement convulsif.
Puis, laissant retomber sa tête,

Ferme son œil doux et pensif.

 
Pour tous ceux que leur sort enlace
Pitié ! cœurs sans espoir, corps usés de travaux,
Tous pareils en misère à ces pauvres chevaux