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Les Pôles



I


À UN DESSERVANT

Prêtre, te souvient-il qu’un soir, à Loc-Tùdi,
Au pied de ton autel je te surpris en larmes,
Serrant contre ton cœur le crucifix, tes armes,
Plongé dans la prière et presque anéanti ?

Au bruit seul de ma voix tu relevas la tête
(C’était le front des morts, et non plus des vivants) ;
Alors, tournant vers moi tes yeux doux et fervents,
Tu me dis : « J’ai vaincu ! combats aussi, poète. »

Parlant de l’infini, du ciel et des élus,
Nous passâmes deux jours dans ton saint presbytère ;
Les ailes de ton âme avaient quitté la terre,
Et l’espace et le temps pour toi n’existaient plus.

Pôle effrayant de la pensée.
Qui pourrait sans vertige atteindre à ta hauteur ?
L’âme humaine, aisément lassée.
Fuit tes sommets de glace et l’ardent équatcur.