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L’Asile


Reposons-nous ailleurs, le doute a hérissé
De trop de dards aigus la couche du passé.
Mais croire, mais aimer quand toute âme s’envole,
Et quand chaque matin voit tomber chaque idole !
Cependant il le faut, croyons, aimons encor,
Croyons bien aux plaisirs et pour eux aimons l’or,
Croyons à cela seul qu’on ne doit plus rien croire,
Hors aux baisers cueillis sur un beau front d’ivoire ;
Dieu mort, ils ont tué l’amour et l’amitié :
Croyons tous au malheur sans croire à la pitié,
Et cherchons loin, bien loin, un asile suprême
Pour oublier enfin les autres et nous-méme.
Ô vous, frères amis, qui d’un monde hideux,
Voyageurs éplorés, êtes sortis tous deux,
L’un éteignant sa vie au creux de la vallée,
L’autre emportant au cloître une âme désolée,
Mais tous deux expirant d’une si douce voix
Que votre sol natal en agita ses bois,
Ah ! s’il est loin du monde un lieu sûr où l’on dorme,
Répondez, Amaury, dites, Joseph Delorme,