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Traité des délits

qui lie tout l’édifice de l’entendement humain & que ſans elle le plaiſir & la douleur ſeroient des ſentimens iſolés & de nul effet. Plus les hommes s’éloignent des idées générales & des principes univerſels, c’eſt-à-dire, moins ils ſont éclairés, plus les voit-on agir d’après les idées les plus voiſines & les plus immédiatement unies, & négliger les rapports éloignés & les idées compliquées. Celles-ci ne ſe préſentent qu’aux homme fortement paſſionnés pour un objet, ou qui ont reçi de la nature un eſprit éclairé. Chez les premiers, la lumière de l’attention diſſipe les ténèbres qui couvrent l’objet de ſa recherche, mais laiſſe les autres dans l’obſcurité. Les ſeconds, accoutumés à réunir rapidement un grand nombre d’idées ſsous le même point de vue, comparent, ſans peine, des ſentimens oppoſés ; & ce qui réſulte de leur contraſte, fait la baſe de leur conduite, qui devient ainſi moins incertaine & moins dangereuſe.

Il eſt donc de la plus grande importance de faire ſuivre promptement le crime par le châtiment, ſi l’on veut que dans l’eſprit groſſier du vulgaire la peinture ſéduiſante des avantages d’une action criminelle réveille auſſi-tôt l’idée d’un ſupplice inévitable. Le retardement de la punition ne produit d’autre effet que de rendre