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ne tarda pas à remarquer en lui des velléités d’indépendance. Huysmans n’était pas homme à longer paisiblement des routes déjà frayées ; une force le poussait à chercher des divers nouvelles. Son originalité s’affirma dans divers volumes, qui correspondent aux évolutions successives de son esprit. Le premier (À rebours) était la fantaisie paradoxale d’un cerveau que hantaient la haine du convenu, la poursuite des sensations rares et une vague aversion de l’humanité. Le duc des Esseintes a servi de modèle à plusieurs générations de snobs ; et jamais, je pense, ce travers qui consiste à considérer, en toute chose, l’envers de l’usage, de l’opinion générale et du sens commun ne s’incarna dans un personnage de plus haute allure. On ne se trompa pas à l’ironie dédaigneuse de des Esseintes. C’était l’auteur lui-même qui parlait ; et il préludait, par la violente expansion de ce mépris, à sa conversion future. Il y a dans l’histoire de l’Église des exemples de ces étranges révolutions. On cite des prostituées qui sont devenues des saintes pour avoir pris en exécration les délices de la chair. De même, comme l’a fait observer M. Jules Lemaître, c’est par le dégoût que M. Huysmans est arrivé à la foi. Ce sentiment a commencé de s’affirmer dans Là-bas ; mais il y était confus, tourmenté, mêlé à toutes sortes d’inquiétudes. Là-bas est un amalgame monstrueux de manifestations contradictoires ; la prière et le blasphème s’y côtoient et s’y confondent ; l’auteur apporte