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obéi à divers mobiles, d’où la malignité n’était pas exclue. Il était jeune ; il aspirait à être célèbre : il pensa qu’un bel éreintement ne serait pas inutile à sa renommée, et il choisit comme victime M. Georges Ohnet. Cette campagne ne nuisit pas matériellement au romancier — du moins, tout de suite. Ses productions continuèrent de se vendre. Le Maître de Forges atteignit sa trois cent vingt-huitième édition, cent cinquante éditions de plus que les meilleurs ouvrages de Daudet et de Bourget. Serge Panine, que de bons esprits préfèrent au Maître de Forges, arriva à cent soixante-douze éditions. La Comtesse Sarah, Lise Fleuron, la Grande Marnière, n’obtinrent pas une moindre faveur. Les derniers volumes ont un peu diminué : Dette de Haine, Nemrod, l’Ame de Pierre, la Dame en gris, n’ont atteint que quatre-vingts éditions : symptôme inquiétant et qui semblerait indiquer que le public se refroidit. Mais, d’autre part, on assure que M. Ohnet, en baisse chez nous, est en pleine vogue dans l’Amérique du Sud. La gloire de ce littérateur est comme le soleil : lorsqu’elle se couche sur un point de la terre, elle se lève aux antipodes. Peut-être reviendra-t-elle luire à Paris, quand elle aura accompli le tour du monde !...

Quelles sont les causes de l’extrême sévérité dont on a accablé M. Ohnet ? Il l’attribue, je suppose, à de bas sentiments, à la jalousie qu’aurait excitée l’étonnante diffusion de ses écrits. Et cependant, nous