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M. MAURICE ROLLINAT


Sa destinée est singulière et un peu mélancolique. Il y a quelque vingt ans, il habitait le quartier Latin et il y jouissait d’une grande renommée. On le voyait, le soir, dans les cénacles et les brasseries où il payait vaillamment de sa personne. Il s’asseyait au piano et chantait, en s’accompagnant lui-même, d’étranges poèmes. C’étaient des récits macabres, des légendes dans la note fantastique qui faisaient passer un frisson sur l’auditoire. Il faut dire que l’auteur les interprétait merveilleusement. Il avait une voix sonore, des yeux noirs pleins de feu, une mimique expressive et, par-dessus tout, une chaleur d’âme, un emportement qui donnaient à ses vers un relief inoubliable… On ne se lassait pas d’écouter cet artiste personnel. Il eut la bonne fortune d’exécuter ses compositions devant Albert Wolff, qui était un des chroniqueurs influents du Figaro. Quelques jours plus tard, ce journal publiait en première page