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vous assure que ces deux cents lignes valent qu’on les soumette à l’analyse. On y découvre l’essence même du genre de M. Émile Bergerat.

Et, d’abord, pour ne pas désorienter ses lecteurs, il se lance en pleine fantaisie. Il déclare que Napoléon Ier est un faux grand homme ; que les historiens ont exagéré son prestige ; qu’il ne fut ni grand capitaine, ni grand diplomate, ni grand empereur ; qu’il sut simplement profiter des circonstances, et se servir d’une élite de guerriers incomparables et d’un état-major de généraux qui se dévouèrent à son ambition. Donc, Napoléon est surfait ; c’est un point établi pour M. Bergerat. Il n’eut, durant sa carrière, qu’une minute de génie : celle où il fonda son ordre, où il inventa ce prodigieux moyen de gouvernement que l’on nomme la Légion d’honneur :« Avoir observé cela que plus on avance en Égalité, plus on éprouve le besoin d’en sortir, et avoir opposé à la grande utopie de la Révolution française cette « noblesse de poche » qu’on appelle la Légion d’honneur, grâce à laquelle nous sommes tous égaux sans l’être, quelle trouvaille !… » Et il était temps de s’en aviser, car la nation devenait impatiente, elle menaçait de s’insurger. Ce bout de moire, miroitant au soleil devant ses yeux, l’apaisa, la rendit joyeuse : « La mare aux grenouilles coassait affreusement et elle refusait tous les soliveaux. Il prit un bout de ruban rouge et il l’attacha à sa ligne. Toutes les rainettes entrèrent en danse. Elles avaient un dieu, une patrie, des lois,