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Notre si vieil ébat triomphal du grimoire,
Hiéroglyphes dont s’exalte le millier
À propager de l’aile un frisson familier,
Enfouissez-le-moi plutôt dans une armoire !

Du souriant fracas original haï
Entre elles, de clartés maîtresses a jailli
Jusque vers un parvis né pour leur simulacre,

Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins.
Le dieu Richard Wagner, irradiant un sacre
Mal tu par l’encre même en sanglots sibyllins.


Les trois initiés, jouissant de la stupeur de l’épicier de lettres. Eh bien ?

L’épicier de lettres. Superbe !! Le sonnet est d’une ampleur, d’une harmonie, d’une richesse de rimes !… Maintenant, je ne serais pas fâché d’apprendre au juste ce qu’il signifie.

Le symboliste. Comment ! vous n’avez pas compris ?

L’épicier de lettres. Pas un traître mot !…

Le symboliste. Non ! ce n’est pas possible ! Vous vous moquez de moi ! Ces vers sont si simples !

Les trois initiés. D’une simplicité enfantine !

Le symboliste. Et d’abord le début ne peut prêter à l’équivoque. Il s’agit de l’antagonisme de la poésie et de la musique. Les poètes ont préparé l’avenir et s’imaginent qu’ils régneront sans partage. Mais leur outillage est imparfait (tassement du principal pilier). Et la musique, plus savante, plus complète (dispose un pli deuil sur le mobilier) et s’installe à sa place et règne désormais, se suffisant à soi-même.