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d’être frivoles. C’est que tous les Français ne ressemblent pas à M. Charles Saunier. Croiriez-vous que ce jeune homme a poussé la conscience jusqu’à « apprendre le japonais pour déchiffrer les légendes des Outamaros ! » N’est-ce pas admirable ? Seulement M. Charles Saunier a consacré tant de jours à l’étude du japonais qu’il n’a pas encore eu le temps d’écrire son premier livre...

Je pourrais prolonger cette analyse et vous présenter plusieurs douzaines de grands hommes non moins authentiques. Je suppose que vous êtes suffisamment édifiés... Et remarquez que, dans ce volume, où tant de médiocrités célèbrent réciproquement leur gloire, on ne trouve le nom ni de Jules Lemaître, ni d’Anatole France, ni de Sully-Prudhomme, ni de Coppée, ni de Paul Bourget, ni d’Alphonse Daudet, ni de Zola, ni de Lavedan, ni de Paul Margueritte, ni de Bouchor, ni de Marcel Prévost, ni d’aucun des artistes qui sont l’honneur de la nouvelle génération. Pour les doyens, on les traite avec le plus révoltant mépris : Vacquerie n’existe pas, Ernest Legouvé est un épicier de lettres, Sarcey mérite qu’on le pende (vade retro Satanas). En général tous les écrivains dont le public se détourne et dont les ouvrages se vendent mal sont portés aux nues ; tous ceux qui ont obtenu la consécration du succès matériel excitent de jalouses et sourdes colères. Ainsi juge cette petite église où la majorité se compose d’envieux, d’impuissants et de ratés...