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XIII
INTRODUCTION.

Que les dieux de la gastronomie vous protègent, et que le monde entier vous entende ! Vous voulez procéder de ces dieux-là, depuis Vatel qui s’est frappé d’un coup d’épée comme Caton, jusqu’à Grimod de la Reynière, qui a percé les derniers voiles de la cuisine, comme Voltaire, les derniers voiles de la philosophie ; c’est bien ; c’est là une belle et puissante religion : mais n’oubliez pas d’inventer vous-même des formules pour le culte !

Il y a trop longtemps que les mêmes mets sont confectionnés dans les mêmes casseroles, servis dans les mêmes plats, mangés dans les mêmes assiettes. L’esprit culinaire ne doit pas rester le seul en arrière de l’esprit humain.

Un art en appelle un autre. Je veux vous voir l’amant et le professeur du luxe nouveau dans les salles à manger. La décoration d’une salle et d’une table doit devenir un art spécial. Le sens de la vue doit soutenir le sens du goût ; et je ne conçois pas, sans art, une table aristocratique, ni même une table bourgeoise. Les bons poëtes n’écrivent jamais une belle ode sans avoir sous les yeux quelque belle image de peinture ou de sculpture.

Un journal comme la Salle à Manger, qui s’annonce avec une rédaction pompeuse et complète, ne devra pas négliger d’appeler l’art industriel au secours de sa spécialité ; si la cuisine a baissé d’un ton en ces trente dernières années et a reculé sur Carthage, l’industrie s’est élevée de toute l’échelle de Jacob et à métamorphosé la France. Nous voulons donc aujourd’hui qu’un Titien, un Claude Lorrain, un Salvator Rosa, un Rubens, si nous en avons, ne soit pas de trop pour composer la toile de nos théâtres, et la décorer de portraits, de paysages, de batailles ou d’allégories.

Une salle à manger doit être aussi un musée où le génie se retrouve partout avec plaisir. Voici une petite histoire comme celles que vous nous promettez de raconter dans vos numéros : En 1809, au Rocher de