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le mystère du b 14

Le titre disait :

Assassiné dans un train de luxe

Et l’article était ainsi rédigé :

« Valence. — Cette nuit, à onze heures. comme le train de luxe dénommé B-14 entrait en gare de Valence, le sous-chef de gare remarqua que du sang coulait par une des deux portes d’entrée d’un des sleeping-cars qui forment le train. Ayant pénétré dans ce wagon, en compagnie de quelques hommes et des stewarts, il reconnut qu’une longue rigole de sang souillait tout le couloir de ce Sleeping et provenait, d’un des compartiments. La porte de ce compartiment ouverte, un tragique spectacle s’offrit aux yeux des employés : un homme gisait sur le tapis, la gorge tranchée, la tête presque entièrement séparée du tronc. Le Chef de gare a fait immédiatement dételer ce wagon du train, puis l’a fait conduire sur une voie de garage, en attendant l’arrivée du Parquet. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de Cette affaire véritablement sensationnelle. »

On comprendra facilement l’émotion de M. Lahuche en lisant cette rapide dépêche de la dernière heure ; le récit que venait de lui faire Frégière était encore tout frais en son esprit : la corrélation des deux faits le frappa immédiatement, et, se levant, tout pâle :

— Mais alors… est-ce que l’homme de Frégière ne serait pas l’assassin ?…

Le doute n’était guère possible, et la conclusion s’imposait : cet homme, qui avait sauté du B-14, dans les roches du Robinet, et ce cadavre que l’on retrouvait, une heure après, tout saignant encore dans ce même B-14…

Affolé, il sortit de son bureau, et appelant un homme d’équipe qui se trouvait sur les quais de la gare :

— Hé !… Bellon…, vous n’avez pas vu Frégière, mon garde-ligne ?…

— Monsieur… je le quitte… il est chez Larmande, en train de boire un verre en attendant le train de montée…

Sans même prendre le temps de coiffer sa casquette, M. Lahuche traversa les voies et la cour de la gare en courant, et comme une trombe pénétra dans l’hôtel Larmande, où Frégière était tout occupé à raconter à quelques amis l’événement qui avait bouleversé sa nuit.


ii

le sleeping sanglant



Le B-14 est un train de luxe international qui, une fois par semaine, part de la gare maritime de Marseille, et s’en va directement jusqu’à Calais.

Son départ, incertain, a lieu le vendredi ou le samedi, suivant l’arrivée du paquebot des Indes. Il charge alors toutes les dépêches qui arrivent pour l’Angleterre, et quelques voyageurs pressés de regagner le Royaume-Uni.

Aussi, en cours de route, ne prend-il aucun voyageur, pas plus qu’il n’en débarque.

C’est vers dix heures qu’il arrive à Valence, où il ne stoppe que deux minutes, afin de marquer l’arrêt, comme le veut le règlement. Aussi, son passage dans cette grande gare ne provoque-t-il aucune de ces agitations bruyantes qui signalent les arrêts des autres trains ; les quais restent déserts, vidés de voyageurs comme d’employés ; seul, un sous-chef de gare, sous sa casquette blanche, assiste au passage de ce rapide, attendant les deux minutes réglementaires pour donner le signal du départ.

Ce jour-là, le sous-chef de gare de service était M. Guillenot, un jeune homme intelligent et de grand avenir ; à vingt heures treize (nouveau style), le B-14 était entré en gare, et M. Guillenot, les deux minutes écoulées, portait déjà à ses lèvres le sifflet qui allait donner le départ au train de luxe, lorsque, comme le racontait le Nouvelliste de Lyon, son attention fut tout à coup attirée vers une traînée liquide qui découlait de la porte arrière du troisième et dernier sleeping-car.

Il s’approcha, se pencha pour reconnaître quelle pouvait être la cause de ce liquide, car la gare était mal éclairée, et se redressa tout pâle, en distinguant que c’était du sang. Trois hommes d’équipe passaient : il les appela :

— Regardez…

— C’est du sang !… firent les trois hommes.

Et, un moment, ils demeurèrent muets d’étonnement.

Cependant, de son fourgon de tête, étonné