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le mystère du b 14
dra vous demander des renseignements à mon

sujet… Je vous prie de le bien recevoir et de lui dire quelles sont nos relations. M. Rosic est un homme charmant et un policier d’un flair incomparable…

— Il a dit cela ?

— En propres termes…

— Il s’est payé ma tête…

— Je ne pense pas.

— Ainsi, vous avez vu ce Burnt ? Un homme grand, n’est-ce pas, rasé, vêtu d’un suffolk grisaille…

— Oui…

— Et c’est bien lui qui, avant-hier, vous a télégraphié de Viviers en vous demandant d’autoriser le banquier de cette petite ville à lui remettre mille francs ?

— C’est bien lui, en effet… Mais à ce moment, je ne savais pas que ce client, se nommait William Ralph Burnt…

— Vraiment ?…

M. Cazeneuve se recueillit une seconde ; enfin, il dit :

— Mais il faut, M. Rosic, que je commence par le commencement. D’ailleurs, je suis autorisé par M. Burnt à vous faire cette révélation, qui est d’ailleurs des plus simples… Voilà…

Il se tut une seconde, comme pour rassembler ses souvenirs ; Rosic attendait pantelant ; allait-il enfin avoir la clef de cette angoissante énigme ?…

— Il y a quatre mois environ, commença M. Cazeneuve, je fus informé par un banquier de Londres, possédant une succursale à Singapoure, qu’une somme de douze cent mille francs venait d’être déposée dans sa succursale indienne et qu’il venait de délivrer un carnet de chèques au nom de « Cristal-Dagger ».

— Le poignard de Cristal ?… demanda Rosic.

— En effet, cela veut dire en anglais : « Poignard de cristal ». La chose était étrange, mais, en somme n’avait pour moi aucune importance. J’étais prié d’ouvrir un crédit à ce « poignard de cristal » et quand, avant-hier, par un coup de téléphone, ce « poignard de cristal » me demanda mille francs, je répondis immédiatement à M. Coconnaz, le banquier vivarois, de verser cette somme à celui qui la demandait… Qu’est-ce que cinquante louis pour un homme qui a un dépôt de douze cent mille francs…

— Et vous n’avez pas craint d’être volé ?…

M. Cazeneuve eut un sourire :

— Le découvert était sans importance… Aurais-je été le jouet d’un escroc que la perte n’eût pas été bien importante, et justement la faiblesse de cette somme m’était un garant de la véracité de celui qui la demandait, car, si quelque filou eût eu connaissance de ce carnet de chèques, il ne se fût pas contenté de mille francs…

— En effet, approuva Rosic.

— Hier matin, continua le banquier, mon huissier me dit qu’un monsieur demandait à me parler, et me tendit une carte sur laquelle je lus ce mot : « Cristal-Dagger ». Ma foi, la curiosité me prit de voir ce gentleman porteur d’un nom aussi étrange et qui, possédant un dépôt en banque aussi considérable, se contentait de me demander, par téléphone, une aussi petite somme.

« Et je vis paraître dans mon bureau un homme grand et fort, paraissant âgé d’une quarantaine d’années, un type bien anglais et portant un complet de voyage en suffolk grisaille.

— Je suis « Cristal-Dagger », me dit-il en entrant, après m’avoir salué d’une inclinaison de tête.

— Qu’y a-t-il pour votre service ?

— J’ai besoin de cinquante mille francs…

— Voulez-vous me signer un chèque ?

— Voici…

Il tira de sa poche un carnet de chèques, d’ailleurs assez froissé, signa une feuille et me la tendit.

J’examinai la signature : c’était bien celle que m’avait fait tenir le banquier de Londres et qui avait été déposée dans la succursale de Singapoure. Je m’inclinai et dis :

— Je vais donner des ordres… Ces cinquante mille francs vont vous être versés tout de suite…

Rosic sursauta :

— Et vous n’avez pas eu la curiosité…

— Non, interrompit M. Cazeneuve… Je ne suis pas policier, moi, et je n’ai pas à interroger mes clients… D’ailleurs, ce n’était pas la peine, car gentleman de lui-même me dit :

— Pourrait-on me porter mon crédit à un autre nom que celui-là ?

— C’est facile… et si vous voulez m’indiquer un autre nom…

Le gentleman sourit :

— Je n’ai pas besoin de vous dire que « Cristal Dagger » n’est pas mon nom… Mais c’est un sobriquet que l’on m’a donné aux Indes. Quand je suis venu en France, j’avais des raisons pour que l’on ne connût pas mon

véritable nom. Mais ces raisons n’existent