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le mystère du b 14
du train au défilé du Robinet et qui se réclamait

auprès des banquiers du « Poignard de Cristal », l’instrument du crime…

Et, tranquille de ce côté, il commençait à s’assoupir, quand sur le seuil de son compartiment, une grande ombre se profila, en même temps qu’une voix au timbre bien transatlantique disait ;

— Pardon… Est-ce bien à M. Rosic, chef de la Sûreté de Lyon, que j’ai l’honneur de parler ?

Rosic sursauta. Que lui voulait cet Américain ? Et il dévisagea l’inconnu.

C’était un homme grand et fort, au visage rasé, aux yeux étonnamment bleus, vêtu d’un suffolk de couleur grisaille.

Instinctivement, Rosic avait mis la main dans sa poche de revolver.

Mais cet Américain paraissait animé des meilleures intentions, car il dit :

— Je dois me présenter… cher confrère… Je suis Tom Dan Shap, le détective américain dont vous avez peut-être entendu parler…

Certes oui, Rosic en avait entendu parler, il n’y avait pas trois mois, dans une affaire sensationnelle de vol de banque, ce T. D. Shap avait traversé l’Océan pour venir enquêter en France et les journaux étaient pleins de sa personnalité.

Rosic ouvrit donc de grands yeux, en se trouvant en présence de cet illustre confrère, et il se leva, serrant la main que le détective lui tendait.

T. D. Shap avait pénétré dans le compartiment, s’était assis en face du policier, et souriant :

— Mon affaire terminée, je suis resté quelque temps en France, voyageant pour mon plaisir, car votre pays est assurément le plus beau dans le monde… et c’est bien le hasard qui m’a fait trouver à Valence, au moment où l’on découvrait ce crime du B-14, qui m’a beaucoup intéressé par plusieurs points imprécis… et, comme vous dites en France mysterious

— Ah ! fit Rosic.

— Oui… j’ai suivi votre enquête… de loin. Je vous ai suivi vous-même… discrètement… Vous comprenez… cela ne me regardait pas… Mais on est détective ou on ne l’est pas… et un crime est toujours un crime…

— Celui-là… commença Rosic.

Mais T. D. Shap l’interrompit, et avec un sourire dédaigneux :

— Oui… il avait l’air comme ça, au commencement… Mais non… Allez, Monsieur Rosic, ne perdez pas votre temps dans cette affaire, elle n’en vaut pas la peine… Elle n’est pas digne de vous…

Rosic sursauta :

— Vous êtes difficile… Je vous avouerai, au contraire, qu’elle me passionne… à cause de son obscurité… Heureusement, ces papiers-là vont sans doute dissiper ces ténèbres…

T. D. Shap ouvrit des yeux étonnés :

— Quoi !… vous n’avez pu débrouiller cette misérable intrigue…

— Mais…

— Mais, mon cher confrère, cela est clair comme de l’eau de roche, ainsi que vous dites, vous autres Français…

— Vraiment, s’écria narquoisement Rosic.

— Véritablement… Pour moi, je vous avoue qu’elle m’apparaît plus simple qu’un conte enfantin…

Rosic regarda l’Américain… il se demanda une seconde si ce transatlantique ne voulait pas se moquer de lui… Mais non… l’homme était sérieux et n’avait pas du tout envie, paraissait-il, de se gausser… et Rosic s’exclama :

— Vrai… si vous avez vu clair dans cette bouteille d’encre, je m’incline devant vous…

T. D. Shap secoua la tête :

— Non… fit-il… Vous êtes discret… Vous ne voulez pas dire ce que vous avez découvert… et vous avez raison… Moi, dans mon pays, quand je travaille, si je rencontrais dans un train, comme je vous rencontre, le plus célèbre policier de chez vous… je me tairais comme vous faites… Mais je veux vous dire ce que j’ai découvert, moi, ne serait-ce que pour vous montrer que les détectives des U.-S. ne sont pas moins dénués de flair…

— Décidément, songea Rosic, ce détective se paye ma tête… Mais nous allons bien voir ses conclusions…

— En somme, comme vous l’avez tout de suite déduit, mon cher confrère, toute l’énigme réside dans le onzième voyageur… Dès que nous saurons ce qu’est ce onzième voyageur, nous n’aurons plus rien à apprendre…

— Justement… mais c’est là le hic…

T. D. Shap sourit :

— Non… ce onzième voyageur est un nommé Barnabé, cambrioleur professionnel assassin à l’occasion, évadé, je pense, de quelque pénitencier, et que l’on reconnaîtra tout de suite au service anthropométrique de Paris, pour peu que vous fassiez part de sa photographie à ces messieurs…

— Sa photographie, ricana Rosic… Où voulez-vous que je la prenne ?…

— Mais à Valence… Son cadavre ne s’y

trouve-t-il pas !…