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Ô jours, jours désirés ! venez : que tardez-vous ?
Je disais ; et mon luth, penché sur mes genoux,
Laissait entre mes doigts, de ses cordes pressées,
Fuir des sons solennels autant que mes pensées.
Tout-à-coup un vieillard m’apparut : En ses mains
Étincelait la faulx redoutable aux humains.
Sur son dos tout courbé, deux ailes grisonnantes
Agitaient les débris de leurs plumes traînantes,
Qui s’usaient dans leur vol mais ne se lassaient pas.
Il passe : le sol tremble à chacun de ses pas.
Son front chauve est plissé par d’innombrables rides :
Les éclairs de ses yeux font de ses traits arides
Ressortir tristement l’immobile pâleur.
Ses lèvres à la cendre empruntent sa couleur.
Sa barbe à flots d’argent sur son sein se prolonge.
Il vient comme un éclair, il s’enfuit comme un songe.
Et sa voix me cria (c’était la voix du Temps) :
Sors d’un monde idéal. Des mortels inconstants
Toujours quelque caprice ou quelque erreur dispose.
Dans le bien, dans le mal, quel siècle se repose !
Vois le présent couvert des débris du passé,
Et d’un choc éternel l’avenir menacé.
Les vices, les vertus se disputent la terre.
La guerre suit la paix et la paix suit la guerre.