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Et comment voulez-vous qu’en ce chaos confus
D’erreurs, de passions, de travers et de vices,
Sans guides, sans appuis, sans que des mains propices
L’aident à s’attacher au lien général,
Pour accepter le bien il repousse le mal ?
Peut-il les discerner ? dépourvu de lumières,
S’il franchit de ses droits les étroites barrières,
S’il sort de ses devoirs par d’éternels faux-pas,
S’il s’éloigne du but qu’il ne devine pas ;
De son aveuglement, dont il est la victime,
L’oserez-vous punir comme on punit d’un crime ?
Croyez-moi : de son âme entr’ouvrez la prison.
Au lieu de prolonger la nuit de sa raison,
Hâtez l’heureux moment, qui se fit trop attendre,
Où, pour le bien commun, le jour doit y descendre.
Vous, sublimes esprits, tuteurs des nations,
Venez les éclairer du feu de vos rayons :
Dirigez leurs pensers comme leurs destinées :
Dans ces âmes, long-temps à l’erreur enchaînées,
Jouets de l’ignorance et de ses vanités,
Jetez en même temps toutes les vérités,
Et toutes les vertus y viendront à leur suite.
La terre est toujours calme alors qu’elle est instruite.
Mais cette instruction doit, lumineux foyer,
De l’horizon de l’âme emplir l’espace entier.
C’est lorsqu’en hésitant, de vos mains dans la nôtre,
Les lentes vérités tombent l’une après l’autre ;
C’est lorsqu’en notre sein luttent de tout côté
Le savoir, l’ignorance, et l’ombre et la clarté,
Que mêlant la sagesse à tant d’extravagances,
L’homme étonne les yeux de ses inconséquences.
Craignez donc pour le peuple, œuvre ébauché de Dieu,
Non pas qu’il sache trop, mais qu’il sache trop peu.
Les sages n’ont jamais, dans leur vaste génie,
Du monde intelligent embrassé l’harmonie.