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Et le joug de la croix que le monde révère,
Et le supplice impur du Sauveur des humains,
Condamné par leurs lois, immolé par leurs mains ?
Arrête, et laisse-là ta justice homicide,
Qui poussa les mortels jusques au déicide.

Mais je vois, à ces mots, les vieillards éperdus
S’avancer, m’entourer, et les bras étendus,
Le trouble dans les yeux, la crainte au fond de l’âme,
Sur mon zèle à l’envi lancer les traits du blâme.
Quoi ! par un faux respect trahir l’humanité !
Abandonner la terre au tigre ensanglanté !
N’a-t-il point démenti son auguste origine,
Effacé tous les traits de l’image divine,
Ce malheureux, saisi la main sur son forfait ?
Le voilà tel enfin que le crime l’a fait.
De cet homme déchu que pouvez-vous attendre ?
Voix de l’humanité, qu’il a cessé d’entendre,
Tais-toi, tais-toi pour lui ; car si tu le défends
Tu vas de l’Éternel perdre les vrais enfans.
Non, plus de sûreté s’il reste sur la terre.
Vous l’exilez : il fuit son exil solitaire ;
Il revient parmi nous, pour des forfaits nouveaux,
Glisser son front féroce et rire des bourreaux.
Il ne craint ni leur fer ni vos lois impuissantes.
Lui seul porte la mort dans ses mains menaçantes.
Frémissez, il est là qui rôde en rugissant.
N’êtes-vous point frappé par une odeur de sang !
C’est lui, c’est le trépas : il s’élance, il dévore.
Qu’on lui fasse encor grâce, il va tuer encore.

Qui vous l’a dit ? pourquoi, sans l’avoir éprouvé,
Désespérer de lui ? Tout vil, tout réprouvé,
Tout abattu qu’il est dans la fange du vice,
Il peut se relever si quelque main propice
Daigne pour l’en tirer s’abaisser jusqu’à lui.