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Se perdent dans le bruit des applaudissemens.
Osez-vous, osez-vous lancer contre vos frères,
Au nom du Dieu clément vos arrêts sanguinaires ?
Renversez ces gibets, brisez ces échafauds ;
Laissez rouiller la hache aux mains de ces bourreaux :
Que la mort d’un de vous ne soit pas une fête :
Comme un jouet sanglant, ne jetez point sa tête
À ce peuple assemblé, bondissant de plaisir,
Dont je vois tous les bras levés pour la saisir.
Imprudent ! me dit-on : cesse une injuste plainte.
Aveugle défenseur de l’humanité sainte,
De la société tu désarmes la main !
Désarme donc aussi le bras de l’assassin.
Quoi ! tu veux que la mort en présence du crime-
S’arrête, et tu permets qu’il frappe sa victime !
Tu réserves pour lui ta pitié, tes douleurs,
Et le sang innocent réclame en vain tes pleurs.
Lorsque des échafauds il passe dans la tombe,
Tu parles des tourmens où Ravaillac succombe :
Tu le plains, tu gémis sur ses derniers instants :
Tu défends que, pour lui bornant le vol du temps,
La loi qu’il connaissait, la loi qu’il a bravée,
Venge en le punissant l’humanité sauvée ;
Et ce grand Béarnais, ce généreux vainqueur,
Sa perte d’un regret n’a point pressé ton cœur !
Que t’importe la mort du père de la France ?
De son peuple orphelin tu vois le deuil immense,
Et le tien, malheureux, ne vient pas s’y mêler !
Si l’assassin survit, tu vas te consoler.

Moi, de l’impunité vouloir couvrir le crime !…
Sur le front du pervers que l’opprobre s’imprime ;
Que le monstre arrêté, proscrit, chassé des murs
Qu’il ne doit plus souiller de ses regards impurs,
Pleure au-delà des mers le lieu qui l’a vu naître ;