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LE CLOCHER.

» Mais toi, preux inconnu, que la tristesse accable,
» Toi qui n’es point tié par un serment semblable,
» Apprends-moi ton destin. Je me trompe, ou je voi
» Quelqu’un de grand renom deviser avec moi.
» — Comme toi j’ai juré de garder le silence
» Sur mon pays, mon nom, mon rang et ma naissance.
» Nul ne sait qui je suis, d’où je viens, où je vais.
» J’eus des instants de gloire et plus d’un jour mauvais,
» Surtout depuis le temps. Poursuivons notre route.
» Sois toujours vertueux, mon fils, quoi qu’il en coûte.
» Va, crois-moi, le bonheur n’est que dans la vertu, »

Or l’enfant se taisait, et le preux abattu
Sur son sein haletant laissait tomber sa tète.
Et les vents, précurseurs de la longue tempête,
Agitaient le cimier de son casque d’airain,
Qui pesait sur ce front chargé d’un lourd chagrin.
Et la foudre grondait dans la nue, et de l’ombre
Mille éctairs tortueux perçant le manteau sombre
Croisaient il l’horizon leurs feux multipliés.
Du sein des bois, du fond des antres effrayes,
Du creux des monts sortaient des voix retentissantes
Qui confondaient au loin leurs clameurs menaçantes.
Tous les oiseaux tremblants se taisaient à la fois.
Le vieux hibou lui seul, patriarche des bois,
De son cri monotone attristant le rivage,
A la nature en deuil prophétisait l’orage.

Comme d’un maléfice en ce moment frappé,
Près de l’enfant marchait le preux préoccupé.
Sur ses traits, ombragés d’une sombre tristesse,
Du sang des paladins luit encor la noblesse ;
Mais les (leurs du jeune âge et ce souris charmant
Qu’attache le bonheur aux lèvres d’un amant,
En vain t’œil curieux en chercherait la trace
Les sillons du malheur s’y croisent ; plus d’audace