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LES AMOURS D’UN SEXAGÉNAIRE.

que je me repentis de mes prières. Le visage de Régina, que je consultai, était d’un avis contraire au mien. Mais l’aimable créature, après avoir eu quelques moments l’air contraint, se surmonta tellement, qu’à l’aisance de ses manières, à la liberté de son langage, à l’enjouement même qui perçait dans son badinage aussi fin qu’ingénieux, on aurait juré qu’ellene s’était jamais trouvée dans une société plus conforme à ses goûts. Charmante, charmante Régina !

Toutefois, si elle consentait à faire tant de frais, elle ne voulait pas aller trop loin sur le chemin des complaisances. Je lui vis déployer un art inouï pour étuder le tête-à-tête désiré et demandé par Placide. Ce n’était pas là le compte de l’entreprenant capitaine. JI s’y prit si bien, qu’il la força de capituler, et tous deux restèrent quelques moments seuls. Régina, lui dit-il, ce que j’ai fait, savez-vous bien pourquoi je l’ai fait ? Par amour du bien d’abord, j’en conviens, mais surtout par égard pour vous. J’ai démêlé au fond de votre âme un sentiment de fierté qui m’a convaincu que vous rougiriez de devoir votre fortune à un époux. Cette découverte a dicté ma conduite. J’ai résolu de n’avoir plus rien pour acquérir la certitude de n’être pas refusé de vous. Régina, je n’ai plus rien. Vous êtes sans prétexte, et je suis sans crainte. Vous serez à moi, je l’ai mérité. Dites, oh dites que vous serez à moi.

La question était pressante. Comment l’éluder ? Nous nous trouvions tous alors dans le parc, Valentine et Félix en avant, Régina et Placide formant l’arrière-garde, tandis que moi, placé au milieu, comme le corps de bataille, je donnais des ordres à l’un de mes gardes-chasse et à, trois ou quatre garçons jardiniers. Dans le moment —le plus critique, je tournai la tête, et, voyant ma pupille en danger, je volai à son secours ; mais quand j’arrivai, elle